Noël te rattrape toujours

Noël te rattrape toujours

Lorsque j’étais petite, enfant de la première génération d’immigrés en France, cher pays de mon enfance, nous fêtions noël. Non pas comme des koufars (mécréants), mais comme des gens voulant s’intégrer. Ou plutôt de la part de mes parents comme des parents aimants ne voulant susciter ni l’envie, ni la tristesse, ni l’incompréhension de la part de leur progéniture qui côtoyait des petits « blancs » à l’école. Et aussi comme des parents désirant s’approprier la culture d’un pays dans lequel ils vivaient.

C’était l’époque où l’on se faisait discret, où nos parents faisaient profil bas, conscients que les stigmates et rancœurs liés à la guerre d’Algérie faisaient d’eux des persona non grata  sur le territoire Gaulois.

C’était l’époque où les français, les vrais, nous regardaient d’un œil peu amène mais n’osaient rien dire à voix haute. Ils n’osaient nous questionner sur nos pratiques, sur notre culture sur notre religion comme si le fait de les occulter les rendaient inexistants, inconcevables. Et il est vrai que rien dans nos apparences ou attitudes ne le suggéraient. Ah la belle époque !

A l’école, lieu ou la laïcité est brandie comme un étendard, toutes les activités manuelles et artistiques étaient en relation avec cette fête. Alors, fête religieuse ou païenne ? Fête culturelle nous répondait-on.

Depuis, les années ont passé, la première génération n’est pas retournée vivre au pays, la deuxième en a fait une troisième, qui elle, est bien différente.

Les langues se sont déliées, les extrêmes sont encensés par une presse toujours à l’affût du gain et au service d’hommes qui tirent les ficelles de la haine dans l’ombre.

Les enfants de la 3 eme voire 4 eme génération ont changé, ils ont muté eux aussi, à l’instar de la jeunesse d’aujourd’hui. Les mots ne signifient plus rien pour eux. Seuls les regards et les faits comptent. Ils ont compris une chose importante : la terre appartient à tous. Ils sont fiers de montrer leur identité doublement culturelle et religieuse et ne s’en cachent pas. Car une force plus puissante que tout les animent... mais ça c’est encore un autre débat.

Ils refusent malgré le poids de la société et de leur double éducation de fêter, de célébrer noël. Car pour eux elle n’a qu’une signification, religieuse. Alors tant pis pour la course à la consommation que certains aiment, tant pis pour le sapin les illuminations dont ils ne décoreront pas leurs maisons, l’heure est de toutes façons à l’économie d’énergie et à la conscience écologique. Tant pis pour les photos des enfants avec le père noël, il faut aussi leur faire prendre conscience que ce personnage et ses cadeaux sont aussi factices que le prince charmant.

Pourtant, étrangement, tous les ans à cette époque de l’année résonne dans ma tête un chant appris à l’école : « Bientôt noël amis chantons noël le sapin s’illumine… ».

On a beau fuir notre double héritage culturel, l’éducation et l’instruction sont des armes redoutables.

En attendant, afin de fuir cette période faussement lumineuse, j’ai, une année de plus, quitte le territoire Gaulois pour me rendre sur une autre terre de colons et d’immigration où il n’y aura aucune invitation, aucune dinde à partager, aucune raison de festoyer.

A bon entendeur !

Sam Kamat.