Un grand coeur
Elle termine de se coiffer soigneusement parce que c’est important d’être correct même si personne ne le remarque, même si cela ne se voit pas. Elle se regarde dans le miroir et pose la touche ultime. Celle sans laquelle elle ne peut sortir, celle sans laquelle elle ne se sent pas elle même, celle qui lui permettra d’affronter dignement le monde extérieur. Elle sait qu’une nouvelle journée de lutte et de combat se prépare. Des lors qu’elle aura franchi le seuil de son foyer, elle sera comme jetée en pâture à la société. Cette société impitoyable, cruelle, qui broie, qui juge, qui dicte ce que l’on est censé faire, dire, porter, penser…
Cette société qui va encore la mépriser, les regards haineux, les coups d’œil jetés rapidement puis détournés comme si les gens avaient peur d’être contaminés, comme si elle représentait une menace pour leur vie. Les ricanements et parfois même les remarques déplacées sur son passage.
Elle sait ce qui l’attend dehors mais elle est prête à affronter ce monde impitoyable, ce monde d’apparence, de diktat. Elle a parfois l’impression de n’être pas née à la bonne époque ni au bon endroit. Mais existe t’il un endroit idéal pour elle ? Un endroit où tout serait lumineux et simple ? Elle n’y pense pas et s’en moque un peu à vrai dire.
Elle a décidé, au sortir de l’adolescence, d’être en harmonie avec ses principes, ses pensées, ses convictions. Contre ses parents, ses proches, contre vents et marées.
Elle a essuyé des larmes, des déceptions, des désillusions mais ça l’a raffermie. Quelqu’un et quelque chose de plus important la guidait, lui donnait de la force, la confortait dans ses positions.
Elle n’explique plus ses choix à présent, elle préfère garder son énergie pour les vivre pleinement.
Elle est en passe de terminer ses années de médecine. Elle se destine à être cardiologue. Elle caresse l’espoir de soigner le cœur des gens, peut-être seront-ils meilleurs si leur cœur est guéri. Peut-être qu’en ouvrant les cœurs elle comprendra ce qui cloche chez certains.
En attendant, elle jette un dernier regard au miroir, sourit à la jeune femme qui lui fait face, cache une mèche de cheveux sous son voile et passe le seuil de sa porte d’un pas décidé.